Passage n°1 ⛰️ Le silence en montagne

Anthropophonie et pollution sonore dans nos paysages sonores

Wow ! Voilà, c’est la première édition de cette newsletter.

Je suis super heureuse d’avoir déjà quelques inscrit.es qui souhaitent me lire.

Je te laisse me répondre par mail à la fin, pour me dire ce que tu en penses. Bonne lecture ❤️ 

Pollution sonore et silence en montagne

Pour le lancement de cette newsletter, j’ai choisi la thématique du son et ce n’est pas un hasard. Ou plutôt la thématique de l’absence du son ?

La musique, pour celleux qui ne me connaissent pas, fait partie intégrante de ma vie. Il n’y a pas une seule période de ma vie, une seule rencontre, un seul sentiment qui ne soit pas associé à un morceau de musique.

Mais à la montagne, je laisse de côté le casque, les écouteurs ou l’enceinte. A la montagne, je suis pleinement active et actrice de ce que j’entends. Je suis dans le “paysage sonore”.

Expérimenter le silence en montagne

L’instant de vie le plus marquant à ce jour en montagne est l’expérience du silence. Total. Absolu. C’était un matin d’août 2021.

La veille, j’étais partie avec mon ami Tony depuis le col des Tentes au-dessus de Gavarnie. Nous avions découvert la merveilleuse Vire des fleurs et planté notre tente sur le plateau de Millaris, sous la brèche de Roland en Espagne.

Epuisés tous les deux, nous nous étions endormis avant le soleil, vers 20h. Je me souviens entendre les isards que nous n’avions cesser de rencontrer sur notre route, les cris des marmottes et des vautours. Le bruit du vent aussi, qui siffle sur les cîmes. Tout cet écosystème avait fait rôle de berceuse.

5h du matin, je me réveille. J’ouvre la tente pour aller prendre l’air. Et quelque-chose me frappe : le silence.

Contrairement à la nature sauvage et bruyante qui m’avait endormi la veille, ce silence me frappait de plein fouet. Je me tenais debout, non loin de la tente, dans la brume. Pas un seul bruit. Je me suis sentie presque étrangère à ce monde. Je ne saurais décrire ce que j’ai ressenti. Un sentiment d’étrangeté ? De bien-être ? De calme absolu ?

Quoi qu’il en soit, je recommande à chacun.e d’entre nous d’expérimenter ce silence. Il est regénérateur.

Nan Shepherd, autrice de La Montagne vivante, écrit en 1940 :

“Ici, pour l’oreille, la chose la plus importante qui puisse être entendue est le silence. Former l’oreille au silence, c’est découvrir combien il y est rare.”

La montagne vivante, Nan Shepherd - p.159

Mais le silence, c’est aussi le néant, l’absence de son.

Le romancier C. F. Ramuz en fait une thématique récurrente dans ses écrits : “On n’entendait rien. On avait beau écouter, on entendait rien du tout : c’était comme au commencement du monde avant les hommes ou bien comme à la fin du monde, après que les hommes auront été retirés de dessus la terre.”

Daniel Maggetti, écrivain et professeur de lettres l’interprète de cette manière :

La haute montagne, un de “ces déserts d’hommes”, est ainsi désignée comme un espace propice à une prise de conscience profonde, qui passe par le sens de l’ouïe. C’est parce qu’ “on entend seulement qu’on entend rien” que l’homme comprend les lois de l’évolution et que sa pensée en vient à appréhender, sur un plan philosophique, l’idée de néant, suscité par l’évidence de la finitude.

Extrait du chapitre “C. F. Ramuz et le silence de la montagne” par Daniel Maggetti dans Résonances. La dimension sonore des Alpes - Sous la direction de Nelly Valsangiacomo et Laine Chanteloup

Le silence total, vraiment ?

Même si le silence est prégnant et forme une sorte de signature de l’environnement montagnard, il l’est surtout en haute altitude. Un endroit où le minéral est plus présent que le vivant.

C’est aussi ce qu’on ressent l’hiver avec la neige qui absorbe les sons et une partie des espèces vivante en hibernation / hivernation.

Mais la plupart du temps, et lorsqu’on entraîne assez son oreille, ce n’est pas le silence qu’on entend. C’est l’absence de bruit d’origine humaine (anthropique).

La vue est le sens que nous utilisons le plus pour nous relier au monde qui nous entoure. Je m’en suis rendue compte le jour où mon amie Juliette, productrice de documentaires sonores (@danslaronde), est partie avec moi en randonnée.

Comme à son habitude, elle y avait emmené son micro. Après avoir enregistré quelques sons, elle s’est mise à me poser des questions et m’enregistrer.

Je me souviens n’avoir pas su répondre à l’une de ses questions : quel est le son le plus caractéristique de la montagne ?

Je n’en savais rien. Je me rendais compte, que jusqu’ici j’avais sur-investi la vue, le toucher et même l’odeur. Mais quasiment jamais l’ouïe.

Pourtant, si l’on s’immobilise en randonnée, si l’on prend le temps, si on prête son oreille au jeu et que l’on ferme nos yeux alors tout devient clair.

L’écoacousticien Bernie Krause considère dans Le Grand Orchestre animal que “les paysages sonores naturels sont les voix d’écosystèmes entiers. Chaque organisme vivant, du plus petit au plus grand, et chaque site de la planète possèdent leur propre signature acoustique”.

Dans ce paysage sonore, chaque être vivant investit une fréquence et une régularité différente. Menant à une communication incessante entre espèces mais aussi inter-espèces. Comme le cri de la marmotte qui annonce l’arrivée d’un prédateur, souvent l’aigle.

Mais un jour, la terre s’est tue

Un “printemps silencieux”. C’est le premier épisode de la série LSD “Bienvenue dans l’anthropocène” que je n’ai pu continuer tellement cet épisode m’a perturbée : entendre la disparition du vivant.

Bernie Krause enregistre la forêt à côté de chez lui depuis 50 ans. On y entend un paysage sonore de plus en plus appauvri, signe de la disparition des êtres vivants non-humains.

“Ne pas entendre d’oiseaux est si effrayant.”

Si “entendre le silence” est une expérience humaine à part entière, à un niveau philosophique et méditatif, “entendre le vivant” est d’autant plus nécessaire.

Parce que les montagnes sont les “derniers ilôts sauvages dans nos sociétés modernes”, nous nous devons d’y accorder une viligeance accrue.

“Les montagnes portent en elles des histoires immenses, car elles sont le refuge du monde dans son aspect originel, des formes vivantes jusqu’aux loitaines étoiles. Espaces inhabitables pour le commun des mortels, elles restent encore en partie épargnées par les multiples polllutions d’origine anthropique. […] Seules les montagnes ont résisté jusqu’alors, en conservant en elles les joyaux de la nature. Par leur récit, elles nous transmettent les secrets du monde où nous vivons, tout en nous guidant sur la manière d’en prendre soin.”

Le grand récit des montagnes - Blandine Pluchet (p.18)

Comment réduire son impact sonore sur la montagne ?

Déjà, prendre conscience des sources les plus impactantes pour la nature, c’est refuser certaines pratiques et en informer les autres.

On estime que 80 à 90% du territoire est perturbé par le bruit, on peut l’appeler “anthropophonie”.

Une étude de 2017 menée sur 500 réserves naturelles, citée par Thierry Lengagne chercheur en écologie comportenementale au CNRS, montre qu’elles n’arrivent pas à épargner la biodiversité de la pollution sonore. Le bruit a même été multiplié par 10 sur 21% des zones étudiées.

En cause, une société capitaliste et mondialisée et un tourisme de masse international. L’impact est d’autant plus important sur les plus grandes stations alpines. Des exemples comme le festival Tomorrowland à l’Alpe d’Huez ou même ce guide de haute montagne tabassé pour avoir protesté contre le vacarme d’un bar d’altitude à La Plagne sont pléthores, c’est ce que dénonce le collectif Mountain Wilderness.

Alors, quelles actions génèrent de la pollution sonore ?

  • Les avions : leur passage englobe toute la sonorité d’un écosystème naturel

  • Les motos et motoneiges

  • Le ski alpin et les remontées mécaniques

  • Les hélicoptères, parfois utilisé pour le loisir ou par les plus riches

  • Les bars d’altitude & festivals

Même si l’impact est plus mineur, n’oublions pas que notre passage n’est jamais anodin pour la nature, et notamment :

  • Le ski de randonnée

  • Le trail

  • Le VTT

L’exemple du Grand Tétras

Le Grand Tétras est une sorte de coq des montagnes. Il figure aujourd’hui sur la liste rouge des oiseaux menacés, pourtant chassable jusqu’en 2022 (!!).

Il vit principalement dans les forêts des Pyrénées. L’hiver, le Grand tétras est particulièrement vulnérable car il se nourrit quasi exlusivement des aiguilles des pins, peu nutritives. Le moindre stress peut donc lui demander beaucoup d’énergie et lui coûter la vie.

C’est pourquoi on veille à adapter ses itinéraires de ski de randonnée, à tenir ses chiens en laisse ou à éviter de faire trop de bruit. Plus d’infos dans une vidéo du Parc National des Pyrénées.

On s’assoit, on ouvre les oreilles : la musique est là.

Pas de conclusion mais une ouverture sur de chouettes compositions sonores :

  • Le Grand Orchestre des animaux

    Un travail de l’écoacousticien Bernie Krauze en écoute libre avec la fondation Cartier.

    Disponible ici

  • Atmosphere and Disturbance

    L’artiste Philip Samartzis a conçu une capsule sonore et immersive à partir d’enregistrement réalisé auprès d’un glacier alpin, afin de retransmettre “le traumatisme incessant du réchauffement climatique”. A écouter au casque !

    En écoute sur cette plateforme

  • La musique au naturel - Silence Podcast

    On part à la rencontre d’Alain, un “berger des sons”, enfant de paysan qui découvre l’estive à l’âge de 8 ans et cette composition naturelle de la nature en montagne : “La musique elle est là. On s’assoit dans un endroit, on ouvre juste les oreilles : la musique elle est là.”

    Par ici pour écouter

Mes conseils randonnées

C’est le retour du Printemps et le bonheur de voir refleurir les prairies humides, d’entendre le chant des oiseaux et des insectes.

Le Printemps dans les Pyrénées, c’est encore la mi-saison car la neige reste présente sur les hauteurs. Voici donc 3 randonnées à faire en basse altitude

Lacs de Fontargente

Départ : Pla de las Peyres (depuis Tarascon-sur-Ariège)
Distance : 8 km | Dénivelé : +460m
Le + : Boucle avec trois lacs magnifiques dans un écrin vert, et la possiblité de faire un aller/retour au Port de Fontargente si on en a pas eu assez 🙂 
» Voir le tracé

Pic de Tarbésou

Départ : Port de Pailhères (depuis Ax-les-Thermes)
Distance : 10,7 km | Dénivelé : +720m
Le + : Une superbe vue 360° sur les environs et si le temps est clair, sur le Canigou et la Méditerranée + La possibilité de ne faire qu’un aller/retour au pic sans faire la boucle
» Voir le tracé

Crêtes de Culentous

Départ : Col du Couret (depuis Bagnère-de-Bigorre)
Distance : 10,5 km | Dénivelé : +650m
Le + : Un parcours aérien sur les crêtes sans aucune difficulté, une jolie vue sur la plaine et le Pic du Midi de Bigorre et le Montaigu
» Voir le tracé

Mes recommandations

Pas de recommandation, j’en ai déjà assez fait juste au-dessus 😄 

Merci de m’avoir lu ! J’espère que ça t’a plu.

Il y a un sujet qui t’intéresse ? Tu as des remarques, des réflexions ou des questions ? Alors répond à cet email, ça me ferait vraiment plaisir !!

A tout bientôt,

Laura

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