- Passages là-haut
- Posts
- Passage n°5 ⛰️ Montagne et politique
Passage n°5 ⛰️ Montagne et politique
Pour un front populaire montagnard

Bonjour à toutes et tous,
Vous êtes 44 inscrit·es à ma newsletter. J’ai conscience que cette audience est minuscule, mais comme pour chacun·e d’entre nous, j’ai le besoin pressant de faire ma part de citoyenne.
Au-delà d’aller manifester autant que besoin, d’aller coller et d’engager des discussions avec mon entourage proche ou moins proche, je voudrais prendre la parole ici.
Ce qu’il se passe aujourd’hui en France est grave. C’est la raison pour laquelle cette édition est dédiée au rapport entre politique et montagne. Oui, il y a un lien.
La consommation de la montagne, c’est non.
Depuis que je me suis lancée sur mon compte Instagram et sur cette newsletter, j’ai suivi nombre d’influenceureuses “montagne” et “trek”. J’ai arrêté de les suivre au bout de plusieurs semaines, pour la majorité.
Pour quelles raisons ?
Parce que ces personnes ont un contenu apolitique et désengagé, parce que ces personnes contribuent à la CONSOMMATION de la montagne (le réel à 10 millions de vues sur les X lacs de tel massif à faire ou alors un réel typé développement personnel - qui fait bien du mal à notre collectif - cf le travail de la sociologue Eva Illouz).
Un front populaire montagnard ?
Pourtant, pourquoi il n’y aurait pas un front populaire montagnard, au même titre que la superbe initiative du front électronique par exemple ? Les artistes s’engagent. Pourquoi les amoureux·ses de nature et de montagne semblent absents du débat, surtout celles et ceux qui ont une influence énorme sur les réseaux sociaux ?
TOUT est politique, la montagne en premier
Pour celleux qui ne me connaissent pas, j’ai réalisé des études de communication et j’ai travaillé quasiment 10 ans dans le marketing. Je connais donc bien la logique des influenceureuses instagram, mais aussi des stratégies de marketing politique (manipulation) comme celui du RN. Elles sont assez faciles à décrypter (et d’autres l’ont fait pour moi).
Pour moi, un marketing peut être éthique. C’est simple finalement : ne pas mentir, ommettre un fait ou à l’inverse grossir un trait. Certain·es l’appelleront “communication” (spoiler alert: c’est la même chose).
Pardon pour cet aparté, mais c’est pour vous aider à comprendre ce qui compose ma pensée et ce qui m’a aidée à mener ces réflexions.
Pour celleux qui me lisent depuis le début, vous l’avez déjà compris. De l’édition sur le silence ou la nuit en montagne, à celui sur les loups et les pratiques élitistes, mes newsletters sont bordées de politique. Car… Tout est politique. Et tout impacte notre environnement, la montagne en premier.
Voici donc un court résumé des sujets politiques de la montagne.
Réchauffement climatique : le premier témoin, c’est la montagne
Je l’ai déjà écrit plusieurs fois ici : la montagne représente des “ilôts sauvages” riches en biodiversité, d’où le fait que parmi les 11 parcs nationaux, 5 sont situés sur nos massifs (Vanoise, Pyrénées, Cévennes, Ecrins, Mercantour).
Pour quelles raisons ? Grâce à un savant mélange d’altitude, de latitude, de pente, d’hygrométrie ou encore de pression atmosphétique (cf mon superbe schéma ci-dessous pour m’aider à réviser le QCM du probatoire AMM).

Selon Météo France : "Les montagnes se réchauffent deux fois plus vite que les autres écosystèmes : dans les Alpes et les Pyrénées françaises, la température a augmenté de plus deux degrés au cours du XXe siècle, contre 1,4 degré dans le reste de la France".
Alors quand en 2023, on enregistre des records de chaleur durant l’été, on observe directement son impact en montagne : érosion, éboulement, fortes pluies, baisse de l’enneigement… Menant la vie dure à la biodiversité.
Et en juin 2024, on connaît déjà des catastrophes immenses dans le val d’Oisans et à la Bérarde, ainsi que dans le Val d’Aoste et le Valais.

La Bérarde, juin 2024
Une biodiversité qui s’appauvrit et des animaux en danger d’extinction
Alors on l’a compris : si la montagne est la première témoin du réchauffement climatique (le biotope), c’est le cas pour tous ses vivants (biocénose).
Biocénose + Biotope = Ecosystème
Aujourd’hui, 44 016 espèces sont référencées comme menacées selon la liste rouge mondiale des espèces menacées (sur 157 190 espèces étudiées, soit 28%).
Parmi ces espèces menacées, la France (métropole et outre-mer) figure dans le top 10 des pays hébergeants le plus grand nombres d’espèces menacées : 2 268 y sont référencées.
Ici, deux exemples démonstratifs du milieu montagnard.
Le lagopède alpin et le lièvre variable
Le lagopède alpin est une petite perdrix des neiges, spécifique de la montagne car son aire de répartition nécessite des températures basses et donc une altitude élevée. D’ailleurs, il n’est pas référencé dans les Pyrénées.
Avec le réchauffement climatique, les forêts remontent de plus en plus (car les arbres peuvent pousser → température plus élevée = + de vie possible = + de possibilité pour un arbre de grandir). Or, les zones boisées sont évitées par le lagopède alpin qui préfère des territoires à végétation basse et rocailleux. De même, les stations de ski ont fortement contribué à réduire la répartition de cette espèce.
Le lièvre variable est également un joyau de l’adaptation de la vie en montagne. Avec des oreilles et des pates plus courtes que son cousin le lièvre d’Europe, il adopte en hiver un pelage blanc pour mieux se fondre dans la neige. Or, avec le réchauffement climatique, l’enneigement est moindre et le lièvre variable se retrouve non plus camouflé mais bien voyant, point blanc au milieu d’une terre sombre. Il est plus visible pour ses prédateurs dont l’homme, qui est le principal responsable de sa disparition.

PHOTOGRAPHIE DE ANDY PARKINSON - Lièvre variable et l’hermine
La disparition des glaciers
Les glaciers représentent une gestion en eau conséquente au niveau mondiale. Ils sont également un indicateur privilégié des impacts du réchauffement climatique.
Dans le massif des Ecrins, la superficie des glacier a été divisé par 2 depuis 1973
En Vanoise, les glaciers ont perdu 61% de leur superficie (depuis 1850 environ)
Quant aux Pyrénées, c’est 86% des glaciers qui ont disparu depuis 1850
Dramatique non ?
D’autant plus que ces zones sont le lieu de nombreux risques naturels comme la fonte du permafrost : il relâcherait des tonnes de CO² et de méthane contribuant à une accélération de l’effet de serre et du réchauffement global ainsi que la libération d’éléments pathogènes congelés depuis des milliards d’années et représentant un risque majeur pour la santé publique.
La fonte des glaciers c’est également des effondrements spectaculaires et dramatiques comme on le voit ces derniers jours dans les Alpes.

Glacier de la Meije, effondrement en août 2018 : https://www.ecrins-parcnational.fr/actualite/meije-amputee-meije-abimee-meije-toujours-reine
Se rappeler la géosolidarité et l’importance du ciel nocturne
J’en parlais dans ma dernière édition, l’accès au ciel étoilé est indispensable pour avoir un “rapport expérientiel” à la nature.
Elle nous rappelle nos origines. Celle de la Terre, des minéraux, et de la vie.
La montagne est, encore là, un témoin massif de notre Histoire d’homo sapiens. Les roches que vous touchez là-haut sur cette montagne, était autrefois enfouies sous la mer. Et avec l’eau, les premières bactéries, la vie est arrivée.
Nous devrions nous rappeler sans cesse l’Histoire de la Terre pour bien comprendre que l’homo sapiens est un animal parmi les animaux, et que la Terre est notre seul habitat.
C’est le récit d’Olivier Remaud dans Quand les montagnes dansent. Je sais, j’en parle pour la 15e fois au moins, mais vraiment cette lecture m’a beaucoup éclairée.
Je vous invite à relire ma dernière édition notamment pour comprendre ce rapport-là. 🙂
La chasse et un lobbying omniprésent
Je préviens : ce paragraphe va être court. J’ai une profonde aversion pour la chasse et l’idée que “tuer un animal” est un loisir me donne des frissons d’effroi. Mais je n’ai pas encore eu le temps de me renseigner assez profondément pour en restituer quelque-chose ici.
Je vous renvoie donc à l’édition de la newsletter Nuit Sauvage : “Je hais les chasseurs” qui est déjà très argumentée.
Ensuite, j’ai 2 livres dans ma pile à lire qu’il me tarde de débuter : Vivre en renard, la traversée du siècle + Sangliers, géographies d’un animal politique.
On se retrouve dans une prochaine édition pour en discuter ? ;)
A savoir : le Conseil national de la chasse est l’un des pouvoirs lobbyiste les plus importants en France, et très proche de l’actuel président Macron. A méditer non ? lol
L’agriculture en montagne VS le tourisme, envisager la “montagne de demain”
OK. Maintenant que nous avons parlé des minéraux, des étoiles et surtout des animaux, parlons êtres humains non ?
Car la montagne est peuplée d’humains depuis l’Antiquité ; où le moyen de subsitance principale est longtemps resté l’agriculture - adapté aux contraintes physiques de la montagne (terrassement, pré de fauche, remues…).
Or, le tourisme estival et hivernal a pris le pas sur l’économie locale au 19e siècle. D’abord par le thermalisme, puis par le ski alpin, les loisirs et le tourisme de montagne représentent aujourd’hui les recettes principales des communautés locales. Difficile donc de se remettre en question.
Pourtant la surcharge d’activités touristiques a un impact durable sur nos montagnes, à commencer par les stations de ski alpin.
Je n’en ferai pas un roman ici car j’y dédierai certainement une newsletter entière, mais le tourisme fait beaucoup de mal aux montagnes et aux montagnards d’aujourd’hui. Est-ce qu’il est intéressant de vous rappeler que l’Ariège, dans les Pyrénées, est le 2e département le plus pauvre de France après la Seine-Saint-Denis ? Que les recettes publiques sont toutes dédiées au tourisme, ne profitant en aucun cas aux populations locales (mais plutôt aux ingénieurs Airbus de Toulouse) ?
Bref, pour ce qui est de penser l’avenir paysan et la réintégration de l’agriculture comme vrai économie locale et montagnarde, je vous encourage vivement à suivre ces comptes sur Instagram :
Noémie de dame_oiselle.de.papier qui nous file tout plein de ressources paysannes
Anabel de lobby_paysan qui montre si bien la vie paysanne
Ferme et restaurant en polyculture-élevage La table de Gaya qui montre l’exemple possible d’une agriculture biologique, résolument paysanne et tout en rejoignant mes principes de végétarienne citadine
Si tu n’as pas lu son livre Plutôt nourrir, l’appel d’une éleveuse - au moins suivre l’éleveuse de porcs noir Noémie Calais
Evidemment suivre les actions de la Confédération paysanne
A suivre également, l’association Résilience Montagne qui travaille sur le sujet de la montagne de demain pour inciter les collectivités locales à changer de stratégie touristique mortifère.
Citadin vs campagnard ?
Petit aparté : les législatives sont fortement marquées d’une binarité ville / campagne. On voterait à gauche en ville, RN dans les campagnes.
De plus, je ressens de plus en plus, en montagne et ailleurs, une sorte de méfiance à mon égard car je suis “citadine”. C’est sans savoir que j’ai grandi en campagne. Et mes origines familiales représentent mon ancrage rural : mon grand-père maternel était ouvrier agriculteur (et ex-soldat / prisionnier de l’Allemagne nazie par ailleurs), mon grand-père paternel lui était ouvrier boucher, ma grand-mère travaillait à l’usine.
Je suis issue d’une classe moyenne et j’ai grandit dans un village ni pauvre ni riche (j’en parlais récemment dans mes stories, cf cet article du Monde).
C’est également sans savoir que j’ai longtemps ressenti un manque de confiance en moi en milieu citadin par manque d’un “capital culturel” que je découvrais autour de moi (à 20 ans, j’ai emménagé à Paris). C’est sûr, à Paris, on ne vit pas la même enfance qu’en campagne.
Seulement - J’aimerais rappeler à toustes qu’il n’existe pas une telle disparité entre les populations. Il existe cependant un véritable mépris du gouvernement français et des plus riches envers les populations rurales et les populations minorisées en ville. Et ça devrait nous souder, plutôt que nous séparer. Pensons-y ?
La pensée écoféministe et se replacer en tant qu’animal humain
Je continue de prôner un écoféminisme du quotidien, largement bien documenté par Myriam Bahaffou dans Des paillettes sur le compost. De notre alimentation, à nos injonctions esthétiques, en parlant de nos relations aux animaux (domestiques ou non), des problématiques de genre et de transphobie, à travers les TDS et contre le capitalisme.
Pour un écoféminisme non essentialiste, antihumaniste, anticapitaliste.
Quelques tips que j’ai mis en place de mon côté pour à la fois me faire du bien et recréer un lien en nous, entre nous :
réenchanter notre rapport au monde, avoir un rapport expérientiel à la nature
rester au contact des autres animaux non-humains
apprendre à ralentir, à observer, à écouter, à se taire
Evidemment, je n’en parle pas ici car il ne s’agit pas directement de montagne, mais on oublie pas que le RN est :
raciste
antisémite
homophobe
transphobe
misogyne
capitaliste
bourgeois & pro-riche
Et que le combat est intersectionnel.
En lutte !
Des bisous, Laura
A chaque fois que tu n’es pas d’accord avec une personne sur le plan politique, pose toi une seule question : as-tu des ressources fiables qui permettent d’alimenter le débat ou est-ce simplement ce qu’on t’a dit ou ton instinct ?
De là, si la réponse est la deuxième, alors il est important de savoir te remettre en question, prendre du recul, écouter, lire, te renseigner.
Pourquoi je dis ça ?
Parce que le gouvernement actuel et le rôle des médias ont eu une importance croissante dans la manipulation des populations, qui se retrouvent de plus en plus sans ressources pour avoir une opinion renseignée et fiable.
Résultat ?
Le RN. (et aussi encore des résultats super hauts pour Macron, ce qui me semble être le comble du comble lorsqu’on voit sa politique et son mépris assumé de ces dernières années).
Reply